Jérôme, originaire de Narbonne est aujourd’hui cogérant de la base nautique Akila Gruissan. Il nous explique son métier de moniteur de kitesurf et son parcours.
[Idwane] Peux-tu te présenter brièvement et nous dire comment tu as découvert ta passion.
[Jérôme] Je m’appelle Jérôme, j’ai 48 ans et je suis originaire de Narbonne. Enfant je passais mes vacances scolaires à Gruissan pour naviguer. Aujourd’hui je vis à l’année à cet endroit pour enseigner ma passion de la glisse.
J’ai découvert la planche à voile en colonie de vacances quand j’étais adolescent et j’ai tout de suite adoré. Je passais tout mon temps à Gruissan pour naviguer. À 17 ans, en parallèle du lycée, j’ai passé le monitorat fédéral de planche à voile et j’ai commencé à faire mes premières saisons d’été en tant que moniteur de voile à la base nautique de Gruissan (aujourd’hui connu sous le nom d’Akila Gruissan).
[Idwane] Qu’est-ce qui t’a donné envie d’exercer le métier de moniteur de voile ?
[Jérôme] J’ai passé mon bac et à 18 ans je suis entrée en fac de biologie. Un jour, en cours, j’étais en train de disséquer une souris et, à cet instant, en voyant cette pauvre souris ouverte en deux devant moi, je me suis demandé ce que je voulais vraiment faire de ma vie. Est-ce que j’allais devenir chercheur ou professeur et travailler dans ce domaine toute ma vie ? Ces idées ne me plaisaient pas et c’est là que j’ai compris que je voulais être moniteur de voile. Au bout de 6 mois j’ai tout arrêté pour me lancer dans ma passion. Évidemment, à l’époque, mes parents ne comprenaient pas comment j’allais gagner ma vie et ne croyaient pas vraiment en ce métier. J’ai quand même soutenu mon choix et j’ai persévéré dans cette voie.
[Idwane] Quelle est la suite de ton parcours professionnel ?
À 18 ans j’ai donc arrêté la fac pour devenir moniteur de voile. J’ai passé mon Brevet d’État (BE) à St-Cyprien afin d’être rémunéré et devenir un professionnel agréé par Jeunesse & Sport. Je travaillais à l’école de voile de Gruissan en tant que moniteur de voile.
À 19 ans, je suis parti faire mon service militaire à Palavas-les-Flots où je faisais de la voile. J’ai également passé le permis bateau. L’année suivante j’ai passé le BE d’Activité Physique pour Tous (APT) pour devenir éducateur sportif et encadrer toutes sortes d’activités physiques et sportives.
En rentrant, je suis retourné à l’école de voile de Gruissan pour travailler.
Dix ans plus tard, à l’âge de 29 ans je suis devenu directeur adjoint de l’école de voile de Narbonne. Pendant 6 ans, ma principale mission était de développer la planche à voile et les dériveurs (notamment l’Optimist).
[Idwane] Comment as-tu découvert le kitesurf ?
Un jour, en 1999, des copains sont venus me voir pour me présenter le kitesurf, qui était inconnu à l’époque. Ils avaient une entreprise qui vendait du matériel de kitesurf partout dans le monde, c’était les seuls en France en ce temps-là.
Ils m’ont fait tester l’activité et j’ai été à l’aise dès les premiers instants. C’est là que j’ai découvert ma vraie passion. La sensation de liberté d’être tracté par une sorte de cerf-volant et l’adrénaline plus forte que sur la planche à voile m’ont convaincu de la pertinence de développer cette activité. J’ai donc rejoint l’équipe en tant que Responsable Marketing en charge du développement du kitesurf. J’étais aussi team manager. L’aventure à durée 3 ans et demi. À la fin, l’entreprise avait des problèmes financiers et les coupes budgétaires n’ont pas permis que je reste.
Ma vie c’est de donner du plaisir aux gens.
[Idwane] Qu’as tu fait suite à cette expérience ?
En 2003, j’ai décidé de créer ma propre école de kitesurf à Gruissan. Comme j’étais seul et que l’activité était encore peu connue, je travaillais en parallèle en tant que directeur du camping municipal à Gruissan. Entre-temps un nouveau diplôme est arrivé : le monitorat fédéral de kitesurf. Je l’ai donc passé et j’ai pu exercer le métier de moniteur de kitesurf .
En 2007, l’école fonctionnait bien. Il y avait 2 moniteurs et 1 personne à l’accueil. Il y a eu la création d’un nouveau diplôme français en kitesurf : le BE kitesurf. Ce nouveau diplôme a réglementé le métier de moniteur de kitesurf. Les moniteurs et moi-même l’avons tous passé. Six ans après, le nombre de moniteur avait doublé et la base était toujours en plein développement.
Puis en 2014, j’ai eu une proposition de rachat. Ça a été un choc et une fierté en même temps. J’ai beaucoup hésité, mais j’ai fini par vendre l’école et en contrepartie, je suis devenu salarié à l’année dans la base.
L’année suivante, le Diplôme d’État en kitesurf est créé. Je suis parti me former à nouveau afin de devenir entraîneur et formateur national.
L’année 2018 a été un nouveau tournant dans ma carrière. L’un des actionnaires de la société a vendu ses parts et avec Arnaud, le 2e cogérant actuel, nous avons racheté les parts et nous sommes donc devenus actionnaire au sein de l’école.
En parallèle de l’école de voile je suis aussi formateur et tuteur de stage à Montpellier pour les DE et les BPJEPS en kitesurf.
[Idwane] Comment tu définirais le métier de moniteur de kitesurf ?
C’est un métier de passion évidemment avec ses avantages et ses inconvénients.
Pour moi d’être en plein air, dans un milieu qui me plaît, c’est le rêve. Par contre, il faut bien se rendre compte que l’on est dehors tout le temps. En été c’est super mais quand on arrive dans les périodes plus froides c’est moins sympa, il faut mettre un coupe-vent, sortir sous la pluie, affronter le froid et le vent.. Ca peut être dur parfois. Il faut aussi savoir que c’est le métier de moniteur de kitesurf prend beaucoup de temps même s’il est saisonnier. Les saisons durent de mars à novembre comprenant des périodes où l’on travaille 7/7J. En plus de la fatigue accumulée, la vie personnelle passe au second plan, on voit peu sa famille car on est décalé.
[Idwane] Qu’est-ce qui est essentiel, à tes yeux, pour pouvoir exercer ce métier ?
Le plus important est de comprendre que la pédagogie c’est d’être au service des clients. Il faut sans cesse être capable de s’adapter aux attentes, aux capacités des clients afin de leur donner les meilleurs conseils et surtout de partager avec eux le plaisir de l’activité pratiquée.
Il faut bien entendu aimer pratiquer l’activité. Si ce n’est pas le cas, ce n’est pas la peine d’exercer ce métier.
Enfin il faut avoir une bonne condition physique.
Le plus important est de comprendre que la pédagogie
c’est d’être au service des clients.
[Idwane] Et l’hiver qu’est-ce que tu fais ?
Je prends des jours de repos ! [rires]. Sinon je prépare le marketing pour la saison d’après : on met à jour le site internet, les supports de communication, les partenariats éventuels..
Pendant 8 ans, j’ai également été testeur de matériel de kitesurf pour le magazine Kitesurf Mag puis Kiteboarder Mag. Je partais en janvier partout dans le monde pour naviguer.
[Idwane] Qu’aimes-tu le plus dans ton métier ?
Aujourd’hui, c’est d’être mon propre patron sans doute !
Sinon j’apprécie beaucoup la pédagogie et le relationnel client. C’est le plus enrichissant, on rencontre des personnes du monde entier. En plus de pratiquer l’activité, on partage nos valeurs, nos philosophies, etc.
Puis le management, la gestion d’un groupe de moniteur, c’est également passionnant. On partage déjà les mêmes centres d’intérêt, le même amour de la glisse, on peut donc aller plus loin dans l’apprentissage.
[Idwane] Quelle est la plus grosse difficulté que tu aies rencontré dans ta carrière ?
Pour moi la plus grosse difficulté c’était de vivre avec la peur de me blesser quand je n’étais pas salarié. Aujourd’hui, je n’ai plus peur pour moi mais pour les stagiaires. Même si tout est contrôlé et sécurisé, on reste sur des activités à risque et un accident peut vite arriver. Ma vie c’est de donner du plaisir aux gens. Si un jour un accident devait arriver ce serait une très grosse épreuve.
[Idwane] Quels conseils donnerais-tu à une personne souhaitant se lancer dans le métier de moniteur de kitesurf ?
Avant de se lancer, c’est important de se renseigner sur le métier et ses conditions. Je conseille de passer du temps en structure pour voir le fonctionnement, de discuter avec des moniteurs pour échanger sur leur parcours et d’étudier la pérennité de la saisonnalité, des diplômes et du travail en France. Ce que je conseille à tous les moniteurs que j’encadre c’est d’avoir une vision à 3 et 5 ans sur leur vie professionnelle.
Quand on est jeune, on ne se rend pas compte des difficultés. Être “juste” moniteur saisonnier ce n’est pas un avenir durable si on veut fonder une famille par exemple. En cas de blessure grave ça remet également en question la suite de sa vie professionnelle. C’est bien de préparer un plan B en ayant un maximum de bagages et diplômes.
Il faut aussi bien comprendre que quand on devient moniteur de voile, on ne navigue pas forcément beaucoup. Si vous vous orientez vers ce métier juste pour pouvoir naviguer, il vaut mieux aller vers un autre métier et naviguer pendant vos vacances !
Merci Jérôme pour ton témoignage. Vous pouvez le rencontrer à Gruissan sur la base nautique Akila Gruissan. Si vous aussi vous souhaitez vous orienter vers ce métier, n’hésitez pas à nous contacter !
Sportivement,